Elle promet de rendre l’enseignement attrayant pour nos enfants et de les préparer au monde de demain. Focus sur ces écoles… pas comme les autres.

Montessori, Steiner, Freinet, Decroly… Si ces pédagogies ne sont pas neuves, elles ont cependant de plus en plus de succès. Ces méthodes, portant le nom de leur fondateur, ont inspiré ces dernières années quelques-unes des écoles du pays, dites de « pédagogie active ». Elles redessinent l’enseignement de définissent l’élève comme le pilote de sa propre démarche éducative. En totale rupture avec l’enseignement traditionnel, les établissements pratiquant ces pédagogies alternatives stimulent les enfants, les motivent, les rendent autonomes et prônent le respect de l’autre.

 

Toute une philosophie

Maria Montessori et ses acolytes étaient déjà partisans, au siècle passé, d’une nouvelle forme d’éducation comme simple moyen d’accompagnement. Selon elle, l’enseignement doit se repositionner en tant que guide et ouvrir le chemin à l’enfant vers son apprentissage.

Dominique Paquot, directeur de la populaire école primaire Singelijn à Bruxelles, met le doigt sur les 3 points fondamentaux de ces méthodes alternatives : impliquer l’enfant, donner du sens et le rendre acteur. « Il est aujourd’hui essentiel de sortir du traditionnel pour suivre une société en perpétuel mouvement », affirme-t-il.

 

Que permet la pédagogie active ?

  1. De donner de l’intérêt aux enfants : il faut les intéresser pour qu’ils comprennent et par conséquent apprennent. « Mener une pédagogie active c’est partir des intérêts de l’enfant, car oui, ils ont beaucoup de choses à nous dire. Il faut donner du sens à leur enseignement. »
  2. De les rendre acteurs. « Souvent, les enfants sont soit passifs, soit très peu actifs. Ici, on veut les rendre acteurs de leur apprentissage et de la vie sociale de l’école ». Ce n’est donc plus le maître qui va déverser un savoir, mais l’enfant qui va le construire avec son instituteur afin de le rendre autonome et responsable.
  3. De les impliquer dans la vie de l’école et dans leurs activités. « On arrive à pas mal de choses avec nos élèves. Ils ont une véritable conscientisation par rapport à leur travail », soutient le directeur.

Concrètement, que se passe-t-il dans les classes de nos bambins ? Le directeur nous donne un exemple d’un cours improvisé : « si le professeur propose à ses élèves de cuisiner un potage en classe, il passera par le calcul pour établir le nombre de légumes nécessaires à la recette et le coût, par l’espace afin d’établir un plan pour aller au marché, par la communication orale grâce aux interactions avec le vendeur, par la lecture pour décrypter la recette, par l’écrit s’ils viennent à transmettre la recette à d’autres classes… Par cette expérience, les enfants auront traversé toutes les matières étudiées dans une école « normale ». On a donné du sens à ce que l’on a fait ».

« On n’a pas fait les choses parce que le programme nous le demandait », explique très clairement Dominique Paquot. En effet, si l’école est subventionnée par la Fédération Wallonie-Bruxelles, elle demeure soumise au programme obligatoire. Chaque professeur est cependant tenu de le transmettre avec sens et créativité, en suivant le rythme propre des enfants. Il poursuit : « l’école n’est rien d’autre que le prolongement de la vie à la maison. L’élève sait qu’il pourra reproduire ce qu’il apprend chez lui et vice-versa, c’est là que les cours prennent tout leur sens ». Si l’enfant va à l’école pour apprendre à réussir, la pédagogie active veut l’amener à comprendre la théorie par ses propres moyens.

Pour mener à bien cet enseignement, les enseignants se doivent d’être avant tout proactifs et motivés par le projet. Chaque jour est différent, ce qui constitue un véritable challenge à relever. Il est donc nécessaire de s’investir dans sa classe et d’être créatif. Olivier Dradin, ex-directeur de La nouvelle Ecole, à Saint-Josse, souligne l’importance d’un état d’esprit collectif pour pouvoir défendre la pédagogie différenciée. Une approche qui demande beaucoup de temps et d’investissement, qui sans quoi, ne fonctionnerait pas. L’école s’est d’ailleurs résolue à poursuivre un enseignement de type classique après 20 ans de philosophie Freinet.

 

Un apprentissage personnalisé

L’objectif global de cette pédagogie est de permettre à l’enfant de se découvrir et de prendre en considération l’ensemble de son potentiel, par l’intermédiaire de diverses activités scolaires par exemple : art, théâtre, échecs, cuisine… Ici, chacun à des capacités. Fini les points dans le bulletin, les devoirs journaliers et les gommettes de couleur, l’école met en avant les atouts et remédie aux difficultés pour développer la confiance en soi. Selon Dominique Paquot, la compétition laisse place à la coopération : « nous ne sommes pas tous des brillants en math ou en orthographe, cela va de soi, mais nous permettons aux enfants d’être performants dans ce qu’ils savent faire et d’aller plus loin dans leurs difficultés, sans jugement ».

 

Trop frileux les Belges ?

Si ces méthodes peuvent rendre certains parents perplexes, la pédagogie active a aujourd’hui le vent en poupe. « Chez nous, nous avons déjà une liste d’attente en maternelle où se bousculent 150 enfants. Pour le primaire, une dizaine de jeunes seront sûrement dans le même cas », prévient le directeur. Les parents recherchent de plus en plus des écoles compétentes, considérant l’enfant comme un être humain à part entière et prenant du plaisir à apprendre.Ces écoles alternatives font cependant parfois peur. Enova, école fondamentale de la région d’Arlon, est actuellement en pleins préparatifs pour sa première rentrée scolaire en septembre.

Un projet aux débuts laborieux qui s’est, à l’origine, heurté au refus catégorique de la ville concernant son implantation au sein d’Arlon, pour finalement être soutenu par le bourgmestre d’Attert, Josy Arens, et par de nombreux parents. Pour le meneur de Singelijn, la société actuelle y est pour beaucoup : « nous avons un programme à suivre, mais nous l’étalons autrement par exemple, et pour ça, les parents sont surpris et s’inquiètent parfois du « retard » pris par leur enfant dans leur apprentissage, alors que ce n’est pas du tout le cas », assure-t-il. « La société émet une pression au niveau de l’éducation, de l’avenir de l’élève, de son futur métier… ce qui effraie et laisse penser à certains parents qu’il vaut mieux suivre la norme avec plus d’exercices et de mémorisation ». Pour certains membres du corps enseignant, il semble aujourd’hui compliqué de faire bouger les mentalités dans notre pays, encore très ancré dans le cognitif et le savoir.

Au niveau des pouvoirs politiques, Dominique Paquot se dit néanmoins satisfait : « ceux qui ont travaillé autour du pacte d’excellence ont pris appui sur ce qu’il se passait dans notre type de pédagogie, c’est déjà de bon augure pour la suite », se réjouit-il. À noter que les politiques font preuve aujourd’hui d’un réel intérêt pour la pédagogie active. La plupart de ces écoles appartiennent effectivement à l’Etat, qui se montre attentif et volontaire quant à l’ouverture de ces écoles.

 

Quel bagage pour l’élève en fin de primaire ?

Beaucoup de valeurs sont transmises aux jeunes : coopération, vivre-ensemble, respect de la différence, esprit de groupe… choses non évaluées en fin de primaire, mais tout aussi importantes, selon l’école. Enfin, contrairement aux idées reçues, le programme d’étude est acquis et les enfants réussissent aux aussi avec succès le suprême CEB.La société évolue et ce système innovant a pour promesse de former les adultes de demain, à la fois créatifs, confiants et autonomes.

 

Un apprentissage à quel prix ?

En pleine expansion, ces nouvelles écoles fleurissent progressivement dans notre plat pays, et pour tous les budgets. Si de grands noms tels que Montessori International coûtent aux environs de 1.000€ par mois, d’autres établissements se révèlent plus démocratiques à l’image d’écoles communales telles qu’Enova près d’Arlon ou Clair-Vivre, au sein de la capitale bruxelloise. Singelijn, quant à elle, autorise l’accès à l’ensemble des enfants, mais demande un investissement des parents pour faire vivre correctement l’école : « ce type de pédagogie demande nécessairement de l’engagement. Ici, par exemple, nous avons un professeur d’échec, une aide pour l’intégration des enfants en situation de handicap, un professeur d’art… L’État ne nous donne pas suffisamment pour subvenir à ces besoins ».Le mouvement s’exporte et nombreux, politiques comme parents, l’encourage au sein de l’enseignement actuel, porté par une société en pleine évolution.

 

Source

Le Vif 09-03-2017

Dernière modification le 12 décembre 2023 à 15:09.